Vous vous sentez piégé(e), bloqué(e) dans votre vie ? Vous avez l’impression que l’horizon est obscur et qu’il n’y pas d’issue ni de changement possible ? Je vous propose un texte écrit par l’auteur américain Chuck Palahniuk. Même si son nom vous est peut-être inconnu, ses oeuvres le sont beaucoup moins. Notamment son livre Fight Club qui a été porté au cinéma par le metteur en scène David Fincher (avec Edward Norton et Brad Pitt).
Vivez comme si vous alliez mourir
En dehors de faire du sport et de manger sainement, je m’impose tentative de suicide à peu près tous les deux ans. Les petites filles avaient mariage idéal, avec robe princesse et vol de colombes. Moi, depuis que je suis petit, je prépare mon suicide parfait.
J’ai une image précise du résultat : Ni coup de feu, ni pendaison, ni vol plané du haut du Chrysler Building. Rien de spectaculaire. Je tiens à être un cadavre impeccable. Quand j’étais journaliste, je couvrais régulièrement le même fait divers. Tous les membres d’une famille retrouvés morts à cause d’un barbecue utilisé comme chauffage d’appoint. à chaque fois, le monoxyde de carbone avait eu raison d’eux pendant leur sommeil, et j’étais sur place en même temps que la police et les premiers secours. Papa, maman et les enfants, allongés sur leur lit : des trépassés magnifiques, paisibles. Aucune trace de rictus, de vomissures, ou de spasmes : leurs visages lisses et si détendus qu’ils semblaient dormir.
Pour moi, c’est la meilleure façon de partir. Habitant un état où il est totalement légal de choisir le jour de son départ, je suis peut-être un peu partial sur le sujet. J’ai eu l’occasion d’assister à une de ces soirées d’adieu ou phénobarbital remplace le champagne. Je n’y connaissais personne, pas même l’hôte, condamné par un cancer du côlon. Une amie d’amis m’avait téléphoné en pleurs et supplié de l’accompagner, sous prétexte de que se rendre en solo à un tel événement était déplacé et pathétique. Bizarrement, ni Judith Martin, ni Emily Post ni Amy Vanderbilt n’ont défini les codes de la bienséance en pareille occasion : quels vêtements porter, quels cadeaux offrir, comment s’adresser un mourant inconnu ?
Pire, ce n’est qu’au moment où les convives ont été invités à joindre les mains et à allumer des bougies que j’ai pris conscience du caractère « définitif » de la soirée. Ce fut ce que j’appellerai ma « blind-date » avec la mort.
Le suicide est une tendance lourde de nos jours. Chaque année aux États-Unis, quelque 26000 hommes se donnent la mort. Certains, bien plus intelligents ou courageux que vous et moi. Hunter S. Thompson, Kurt Cobain, Spalding Gray, David Foster Wallace. Ils étaient accomplis, riches, talentueux, et ils nous manquent.
Quoi qu’il en soit, si vous décidez de faire le grand saut, je vous demanderai une seule chose : attendre sept jours. Pendant cette ultime semaine, suivez la règle du NDC. Pas d’inquiétude, ça ira vite. Comme les derniers jours passés dans job qu’on déteste, chaque moment serein nimbé de nostalgie, adouci d’être un mort en puissance. Le film est presque fini, et le temps presse.
Commencez par “N” comme nettoyage. Nettoyez votre salle de bains, votre voiture, faites la lessive, blanchissez les joints, nettoyaient derrière le frigo, les vitres. Il faut que ça brille.
“D” comme débarrasser. Triez vos papiers et ne gardez que les plus importants. Idem pour vos placards et vos affaires personnelles : ne gardez que ce qui compte vraiment. Le reste, donnez-le ou détruisez-le. Mettez vos secrets et vos souvenirs à la benne à ordures. Faites de même avec l’armoire à pharmacie et le frigo. Et puis offrez-vous une belle coupe de cheveux. Ne vous fiez pas à la croyance populaire : les cheveux humains ne poussent pas après la mort. Alors, autant être à son avantage. Chouchoutez-vous, vous avez ma permission. Ce ne sont pas les grands désastres qui nous écrasent. Imaginons que les aliens débarquent, ou que les zombies dévoreurs de chair humaine attaquent. La plupart des hommes enfileront leur veste et se jetteront dans la mêlée. Même un tremblement de terre où un incendie constituent parfois un agréable changement de rythme. Non, ce qui nous opprime, ce sont les tickets de parking. La nourriture avariée dans le frigo. Les fringues sales au fond du panier à linge qui n’ont pas vu la lumière du jour depuis 1995. Une fois que vous avez laissé ces plaies du quotidien s’accumuler, vous êtes foutu. D’où le “D” de débarrasser. Si vous pouvez vous raser, vous pouvez vivre.
Enfin, “C” comme contacter. Contactez toutes vos connaissances et dites-leur quelque chose de gentil. Même si vous ne pouvez pas les supporter, abandonner toute aigreur. Trouver quelque chose en eux que vous admirez, enviez et ou convoitez en secret, et encensez-les. Dites bien comme vous jalousez le boulot, le mariage ce fameux col roulé en cachemire. Oui, cette étape a tout de l’humiliation, mais qu’avez-vous à perdre ?
Cessez de vous apitoyer. Laissez tomber votre colère et vos défenses. Pardonnez, à vous comme aux autres. Dans une semaine, ils auront les yeux rivés sur votre cercueil et ils se sentiront mal. D’ici là vous pouvez bien leur faire une fleur.
Maintenant, il est temps de penser à votre mort. La chaleur douillette, la douce ivresse, votre film ou votre musique préférés en toile de fond. Visualisez votre salle de bains étincelante et vos tiroirs vides. Et puis imaginez le monde sans vous. Les mêmes embouteillages, les mêmes famines. Les mêmes politiciens, et votre club de foot qui refuse d’arriver au sommet de sa division. Les gens vont vous oublier. Le monde va nous oublier. Vous n’êtes pas Kurt Cobain.
Alors, pourquoi ne pas allumer votre barbecue et faire griller un steak ?
Si vous avez respecté la règle du NDC à la lettre, il y a de grandes chances pour que tout cela vous indiffère. Vous serez entourés d’amis pour qui vous saurait enfin un type bien. Votre four saura propre, votre voiture dépoussiérée. Vous faites de la procrastination pour payer vos impôts, alors pourquoi pas pour mourir ? Surtout depuis que vous avez une coupe de cheveux au top.
Source : Men’s Health
Texte original en anglais : Live like you’re dying.
Citations
“Vivez comme si vous alliez mourir demain. Apprenez comme si vous aviez l’éternité devant vous.”
Mahatma Gandhi
« Il existe un curieux paradoxe : quand je m’accepte tel que je suis, alors je peux changer. » –
Carl Rogers
“Ce ne sont pas les événements qui vous arrivent qui détermineront jusqu’où vous irez dans votre vie, mais plutôt votre manière de gérer ces événements.”
Zig Ziglar
“Tout ce qui vous immobilise, vous barre la route, vous empêche d’atteindre vos buts, tout cela vient de vous. Vous pouvez vous en débarrasser quand bon vous semble.”
Dr. Wayne W. Dyer